En réponse à une augmentation des cas de stalking, le principe d’une infraction spécifique est acceptée par le Conseil fédéral. La loi vise les comportements obsessionnels qui entravent la liberté individuelle.
Après y avoir été longtemps réticent, le Conseil fédéral s’est désormais prononcé en faveur de la création d’une infraction pénale spécifique réprimant le harcèlement.
Un phénomène qui peut toucher tout un chacun
Être épié, suivi, ou «simplement» importuné par des messages incessants. Cela peut arriver à tout un chacun, et pas seulement dans un contexte sentimental, mais aussi, par exemple, en entreprise. Si 30 à 50% des cas de harcèlement obsessionnel sont le fait de l’ex-partenaire, cela signifie qu’à l’inverse, 50 à 70% des cas de harcèlement interviennent hors (ex-)relation amoureuse. L’auteur du harcèlement peut notamment être un contact professionnel, mais aussi un voisin, une connaissance.
Selon un rapport du Conseil fédéral du 11 octobre 2017 intitulé «Lutter contre le stalking, Vue d’ensemble des pratiques appliquées en Suisse et à l’étranger», entre 15 et 18% des femmes et de 4 à 6 % des hommes ont été, au moins une fois dans leur vie, l’objet de stalking sous une forme ou une autre.
Je vois régulièrement – de plus en plus même ces dernières années – des personnes victimes de harcèlement, souvent de cyberharcèlement: un fonctionnaire dont la décision a déplu à un administré, un psychologue dont le patient ne respecte pas les limites, un collaborateur harcelé par un (ancien) collègue. Esprit de vengeance, volonté de nuire, ou de garder ou créer un lien, les cas varient.
Si les femmes sont plus exposées à être victimes de harcèlement obsessionnel, elles ne sont pas les seules. Les jeunes, les personnalités publiques, les médecins le sont par exemple également.
Briser la spirale de la violence
Le 15 mai 2024, le Conseil fédéral s’est déclaré favorable à l’ajout, dans le Code pénal, d’une infraction spécifique destinée à réprimer le harcèlement. Il faut dire que la création d’une norme pénale spécifique au harcèlement obsessionnel avait été approuvée le 27 avril 2023 par la Commission des affaires juridiques du Conseil national par 22 voix contre 0.
Selon l’avis du gouvernement, il s’agira de punir, sur plainte, d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire «quiconque, obstinément, traque, importune ou menace une personne et l’entrave ainsi de manière intolérable dans la libre détermination de sa façon de vivre».
Quant à la crainte qu’une infraction de harcèlement constitue une «invitation à porter plainte», le Conseil fédéral y répond très justement en soulignant que les condamnations pour harcèlement permettront de briser rapidement la spirale de la violence, et donc en définitive de réaliser des économies en aval en évitant des procédures ultérieures. Cette réflexion est d’autant plus vraie lorsque l’on sait que les auteurs de stalking sont souvent récidivistes (jusqu’à 50 pour cent des cas). Surtout le fait d’ériger en infraction pénale le harcèlement devrait je l’espère permettre de diminuer le nombre et la gravité des atteintes aux personnes lésées.
Une portée symbolique forte, mais aussi pratique
Comme le mentionne le Conseil fédéral dans son avis du 15 mai 2024, une telle norme spécifique aura une portée symbolique forte. Des actes qui seraient non punissables s’ils sont pris isolément deviendront punissables envisagés dans leur globalité. Surtout, l’avertissement est donné: les comportements de harcèlement obsessionnel ne sont pas anodins et doivent pouvoir – selon le Conseil fédéral à la demande de la victime uniquement – être réprimés.
Le changement d’avis du Conseil fédéral est à saluer. Il donne un signal important et nécessaire. Le Conseil fédéral a souligné que la nouvelle norme pénale ne devrait selon lui pas susciter «des attentes trop élevées». Le gouvernement précise en effet que même en cas d’adoption d’une norme pénale expresse, «il ne sera pas possible d’éliminer toutes les difficultés» rencontrées dans l’application du droit en vigueur. Ces difficultés découleront notamment des notions juridiques indéterminées comprises dans l’énoncé légal. De plus, précise l’Avis du Conseil fédéral, la preuve des différents actes de harcèlement obsessionnel qui sera toujours aussi difficile à apporter.
Toutefois, en pratique, la future norme permettra enfin aux victimes de pouvoir déposer une plainte pour harcèlement, alors qu’elles doivent aujourd’hui «raccrocher» les comportements dénoncés à d’autres infractions: utilisation abusive d’une installation de télécommunication, menaces, contrainte, ou infractions contre l’honneur, par exemple et suivant les cas. Avec pour conséquence parfois la difficulté de se faire entendre et d’être considéré comme lésé par les comportements constitutifs de harcèlement. Remédier à cet écueil est déjà, en pratique, un grand pas en avant.
Cet article a précédemment été publié sur le blog de Miriam Mazou hébergé le site de bilan.ch