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Les rétrocessions pourraient s’assimiler à de la corruption privée

En septembre, le Tribunal fédéral a rendu public un arrêt du 14 août 2018 confirmant que l’absence de transparence en matière de rétrocessions bancaires peut être constitutif de gestion déloyale.

Pour notre haute cour, un gérant de fortune qui tait à son client les prestations qu’il reçoit de la banque dépositaire commet un acte de gestion déloyale. Car le client, faute de l’information nécessaire, n’est pas en mesure de réclamer au gérant la restitution à laquelle il est en droit de prétendre.

Dans le cadre d’une conférence que j’ai donnée il y a quelques jours dans le cadre d’un séminaire de formation de l’association romande des intermédiaires financiers (ARIF), j’ai été amenée à m’interroger sur le traitement de telles rétrocommissions sous l’angle de l’infraction pénale de corruption privée.

Le 1er juillet 2016 sont en effet entrés en vigueur les art. 322octies et 322novies du code pénal réprimant la corruption privée active (punissant le «corrupteur») et passive (punissant le «corrompu»).

Même aux meilleures conditions

Selon la doctrine, une rémunération en échange de l’ouverture d’un compte au nom du client, non divulguée à celui-ci par son mandataire (et apporteur d’affaire de la banque) peut être constitutive de corruption privée. Et cela non seulement si le mandataire ne choisit pas la banque offrant les meilleures conditions. Mais également si le choix de la banque dépend du pouvoir d’appréciation du mandataire (CASSANI Ursula, Evolutions législatives récentes en matière de droit pénal économique : blanchiment d’argent et corruption privée, in: Revue pénale suisse, 2018, vol. 136, n° 2, p. 179-213). Et cela même si, en définitive, la banque choisie est bien celle offrant les meilleures conditions pour le client.

Certes, la loi prévoit que les avantages de faible importance conformes aux usages ainsi que ceux autorisés par le règlement de service ou convenus par le contrat ne sont pas des avantages indus (art. 322 decies al. 1 du code pénal). La jurisprudence tracera les contours de ce qui est acceptable de ce qui ne l’est pas. Rappelons à cet égard que les clauses indiquant par exemple que toute rétrocession accordée par des banques restent acquises à la société de gestion de fortune et que le client renonce à ce qu’on lui rende compte de ces rétrocessions et abandonne toute prétention à cet égard ne sont pas valables si les clients n’ont reçu aucune information préalable concernant l’ampleur de ce à quoi ils renonçaient. En d’autres termes, pour déployer des effets, un tel accord du mandant doit être éclairé. Il devra également être antérieur à la perception des commissions.

Risque pénal

Le risque pénal lié aux rétrocessions ne saurait être négligé, ni par les particuliers, ni par les entreprises. En effet, l’infraction de corruption privée active est également susceptible d’engager la responsabilité primaire de l’entreprise (au sens de l’art. 102 al. 2 du code pénal). Celle-ci doit donc veiller à prendre en son sein les mesures organisationnelles nécessaires à la prévention de tels comportements susceptibles de constituer de la corruption privée active (au sens de l’art. 322 octies du code pénal).

Miriam Mazou

miriam.mazou@st-francois.ch

Etude St-François, Lausanne

(cet article a précédemment été publié sur la plateformes des blog du Temps)

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1 Response
  1. Marjoline

    L’article ne mentionne pas le DEVOIR de la banque d’informer le client que rétrocessions il y a. Le client est avant tout client de la banque et par la suite client d’un prestataire de service qu’on appelle gérant de fortune. Pourquoi la FINMA n’impose pas aux banques d’écrire aux clients? au moment de l’ouverture du compte, pour informer que le gérant a encaissé/va encaisser des commissions et des rétrocessions.

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