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Pourquoi en Suisse une «affaire Grégory» serait close

Depuis plusieurs semaines se succèdent en France des rebondissements dans « l’affaire Grégory». Cette enquête pénale est ouverte depuis octobre 1984, lorsque le petit garçon de 4 ans a été retrouvé mort, pieds et poings liés dans une rivière des Vosges. Près de 33 ans après les faits, de nouveaux actes d’instruction ont lieu et des individus sont placés en garde à vue.

Cette enquête, qui se poursuit encore tant d’années après ce crime épouvantable, peut susciter des interrogations. N’y a-t-il pas prescription? Qu’en serait-il en Suisse?

Le droit suisse ne connaît plus l’interruption des délais de prescription

En droit français, l’action pénale visant à réprimer des crimes se prescrivait pourtant en principe par 10 ans à l’époque des faits (par 20 ans aujourd’hui, selon une nouvelle loi promulguée cette année). Comment se fait-il alors que l’enquête se poursuive, plus de 32 ans après l’assassinat du jeune garçon? Cela s’explique par le fait que dans l’Hexagone le délai de prescription de l’action publique peut être interrompu par différents actes d’enquête, lesquels font courir un nouveau délai de prescription.

Le droit suisse connaissait jusqu’en 2002 lui aussi un système comparable, dans lequel la prescription de l’action pénale pouvait être interrompue. Le délai de prescription maximal en droit helvétique était alors de 20 ans. Et à chaque acte d’instruction ou décision du juge dirigée contre l’auteur, un nouveau délai de prescription commençait à courir. Néanmoins, l’extinction de l’action publique intervenait en tous cas lorsque le délai ordinaire de prescription était dépassé de moitié. Ces dispositions légales ont été abrogées en 2002, en même temps que les délais de prescription ont été prolongés.

L’action pénale se prescrit par 30 ans en cas d’assassinat

Aujourd’hui, en Suisse, l’action pénale se prescrit par 30 ans lorsque la peine maximale encourue est une peine privative de liberté à vie (art. 97 al. 1 du code pénal), comme c’est le cas en présence d’un assassinat. Peu importe les actes d’enquête. Et peu importe que de nouveaux éléments de preuve soient par hypothèse découverts tardivement.

Il existe certes en droit suisse des crimes imprescriptibles (art. 101 du code pénal). Tel est par exemple le cas du génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre, ou des actes d’ordre sexuel avec des enfants lorsqu’ils ont été commis sur des enfants de moins de 12 ans. Toutefois, ni le meurtre ni l’assassinat ne sont en eux-mêmes imprescriptibles.

Le régime spécial s’appliquant aux mineurs ne permettrait pas une condamnation

Le droit suisse prévoit également depuis 2002 qu’en présence de certaines infractions, notamment en cas d’actes d’ordre sexuel avec des enfants, de meurtre ou de lésions corporelles graves, dirigées contre un enfant de moins de 16 ans, la prescription de l’action pénale court en tous cas jusqu’au jour où la victime a 25 ans (art. 97 al. 2 du code pénal). Et cela y compris s’agissant d’actes qui auraient été commis avant l’entrée en vigueur, le 1er octobre 2002, de la modification législative précitée, si la prescription n’était pas encore échue à cette date.

Dans la mesure où Grégory aurait eu 25 ans en 2005, cette règle ne permettrait cependant pas de justifier aujourd’hui la poursuite de l’enquête.

(cet article a précédemment été publié sur la plateformes des blog du Temps)

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2 Responses
  1. Maillefer

    Pour une fois, bravo à la France qui poursuit les auteurs de cet acte lâche et ignoble . Un meurtre d’enfant devrait être imprescriptible aussi en Suisse !

  2. Thomas

    Des points de droit et un éclairage intéressant.
    Etant donné que la douleur des parents est imprescriptible, il me semble que le meurtre doit lui-même être imprescriptible, ne serait-ce que pour éviter que des assassins dorment sur leurs deux oreilles après un délai de prescription écoulé.

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